Témoignage #2: Mon petit miracle suite à l’anorexie

|| En l’honneur de la semaine nationale de sensibilisation aux troubles du comportement alimentaire se déroulant du 1er au 7 février, je vous partage à chaque jour le témoignage d’une personne ayant souffert auparavant ou qui souffre présentement d’un trouble alimentaire. En espérant que ces messages plein d’émotions et qui viennent du coeur vous aideront à décomplexifier cette maladie mal comprise, à mettre des mots sur une souffrance que peut-être vous éprouvez vous-même et à donner espoir comme quoi que la guérison est possible et ô combien apaisante. Bonne lecture ♥ ||

Le trouble alimentaire a commencé à s’installer sournoisement à l’aube du secondaire, j’avais 12 ans. Pourquoi s’est-il installé à ce moment précis? Je ne pourrais pas répondre avec certitude. Possiblement que l’élément déclencheur fut la transition entre le primaire et le secondaire. J’ai commencé à «surveiller» mon alimentation, mais sans aucune grande connaissance sur le sujet. J’ai donc commencé à lire toutes les étiquettes nutritionnelles et je consommais seulement les aliments ne contenant pas de matières grasses. Mes déjeuners et mes dîners se ressemblaient de plus en plus en étant de moins en moins nutritifs. Heureusement, pour ma santé, le repas du soir était pris en famille où c’était ma maman qui cuisinait. Toutefois, j’ai commencé à réduire mes portions. Je me souviens de la journée où je me suis dit que je ne consommerais plus jamais de pain. Cette décision me rendait triste, mais en même temps plus forte, car j’avais de la discipline.

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Tranquillement, la maladie a pris de plus en plus d’ampleur et je me sentais récompensée lorsque le chiffre sur la balance descendait. En fait, après plusieurs années de thérapie, j’ai réalisé que la maladie ne s’est pas installée en raison d’une problématique en lien avec mon apparence, mais plutôt en lien avec un besoin de contrôle, d’affirmation. J’avais peu de contrôle dans ma vie, l’un de mes parents contrôlait tout, ce que je trouvais injuste. J’avais les mêmes privilèges que mon cadet ayant quatre années de moins que moi, ce que je trouvais complètement illogique. Je ne pouvais pas faire les sports que je désirais, mon parent ne me laissait pas seule à la maison. Tout ce contrôle de la part de mon parent malgré que je fusse un enfant modèle qui réussissait bien à l’école, ne faisait aucun mauvais coup et où les enseignants n’ont jamais rien eu de négatif à dire à mon sujet. Cette injustice que je ressentais était fondée. Toutefois, la méthode pour la faire valoir n’était pas la plus gagnante, car j’ai failli perdre le combat. L’importance du poids et de l’apparence a donc été un effet secondaire.

Durant ma première année de secondaire, mon état s’est empiré, je m’isolais de plus en plus et je contrôlais de plus en plus ce que je mangeais. Cette première année s’est terminée avec des vacances tout-inclus à l’hôpital Ste-Justine pendant deux mois. Lors de cette hospitalisation, j’ai pris du mieux avec le soutien du personnel. De plus, être éloignée de mon parent qui me contrôlait m’a fait un bien immense. Suite à cette hospitalisation, j’ai continué d’être suivie à l’hôpital et j’ai vécu de multiples hauts et bas pour finalement être hospitalisée à nouveau pendant l’hiver de mon troisième secondaire. Trois mois cette fois-ci. J’aurais pu sortir plus tôt, mais j’avais demandé une semaine de plus, car je ne me sentais pas prête à retourner chez moi avec un parent qui continuait de tout décider pour moi et de m’offrir les mêmes privilèges que mon cadet. En fait, mon parent n’a jamais voulu accepter que sa surprotection était une partie de la problématique et ce, malgré les rencontres avec les professionnels de l’hôpital (et même encore à ce jour… toutefois, cela m’affecte beaucoup moins maintenant).

De mon côté, pendant l’hospitalisation, malgré que j’étais enfermée entre quatre murs, je me sentais plus libre. Je décidais de l’heure que je me couchais, de l’heure que je me levais, de quand je faisais mes devoirs (j’avais de l’école à l’hôpital), etc. Suite à cette deuxième hospitalisation, j’ai continué d’être suivie jusqu’à l’âge de 18 ans, âge où tu deviens majeure et que tu dois quitter cet hôpital pour enfants. À ce dernier rendez-vous, le médecin suggérait fortement que mon suivi se poursuive à l’hôpital pour adultes étant donné que mon état était loin d’être parfait. Il suggérait même une troisième hospitalisation. Je me souviens également, qu’à ce moment, le médecin m’avait mentionné qu’il se pourrait que je sois infertile plus tard en raison de l’aménorrhée que j’avais depuis l’âge de 12-13 ans (effet secondaire de la maladie). Ce propos m’avait profondément marqué puisque cela signifiait que je n’aurais peut-être pas d’enfant le jour où j’en désirerais.

Lorsque l’hôpital pour adultes m’a contactée pour poursuivre le suivi, j’ai refusé. Je pouvais maintenant refuser, j’étais majeure. J’ai refusé en me promettant d’aller mieux. Je savais que je serais capable. J’ai alors obtenu un suivi en psychologie au CLSC de ma région. Un suivi qui m’a grandement aidé. Durant ces années de suivis, j’ai grandement travaillé sur moi-même. J’ai repris goût à avoir des sorties entre amis, à me nourrir, à faire de l’activité physique sainement, à rire et sourire. Bien que ce ne fut pas toujours facile, mon parent étant toujours aussi (ou presque) contrôlant, j’ai réussi à passer au travers mes études collégiales et universitaires en prenant du mieux. Je devais toutefois porter une attention particulière à ma santé, car durant mes moments de stress à l’école, mes habitudes de trouble alimentaire revenaient. Je m’intéressais aussi davantage à l’alimentation, mais de façon plus saine. D’ailleurs, j’avais pensé me diriger en nutrition à l’université. Cependant, j’ai révisé mon choix en m’orientant dans un autre domaine de la santé, car je préférais que l’alimentation, ce sujet qui m’avait tant blessé, demeure un sujet d’intérêt plutôt qu’il soit au cœur de mon quotidien.

C’est durant mes dernières années universitaires que j’ai pu affirmer que la maladie était désormais derrière moi. Mon corps est redevenu «normal» (fin de l’aménorrhée), j’ai commencé à travailler dans mon domaine, j’ai rencontré mon premier et unique copain (c’est plus facile lorsque notre tête va mieux) avec qui je suis toujours après cinq ans, nous avons déménagé dans notre première maison dans une ville près de la nature comme j’ai toujours rêvé (malgré que mon parent ait toujours désapprouvé ce choix), j’ai recommencé à manger de tout, à voir régulièrement des amis en incluant des sorties aux restaurants, etc. Bref, la vie a repris son cours presque normal. Je dis presque car je suis d’avis que même si je me considère guérie maintenant, il y a toujours une voix lointaine dans ma tête que je dois faire taire de temps en temps, et ce surtout dans les moments plus stressant. Également, je me considère guérie, car j’ai réussi à fabriquer un petit miracle. En effet, j’ai réussi à passer au travers de la grossesse et de tous les changements physiques que cela apporte et ce, aisément (à ma grande surprise, car je dois avouer que j’avais peur de moi-même, de mes réaction vis-à-vis tous ces changements sur le corps, ce corps que j’avais déjà voulu le plus mince et le plus parfait possible).

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Mon petit miracle est né en décembre dernier, en pleine santé! De plus, je l’allaite depuis sa naissance, ce que je trouve merveilleux. Cette grossesse et cette naissance m’auront fait voir mon corps autrement. Il n’est plus une machine me permettant de vivre mes activités quotidiennes et que je dois contrôler. Non. J’ai réalisé que mon corps était merveilleux, qu’il sait ce qu’il fait et que je peux lui faire confiance. On va se le dire, il a réussi à fabriquer un petit humain, à la mettre au monde et à le nourrir… ce n’est pas rien!

Pour terminer, j’aimerais te dire, toi qui lis ce texte et qui est prise avec cette même maladie, reste confiante et soit courageuse (c’est aussi bon pour le genre masculin là!). J’ai descendu extrêmement bas avec cette maladie où j’ai failli en mourir, j’ai beaucoup pleuré, j’ai perdu toute confiance et tout espoir à plusieurs moments, mais j’ai réussi à me relever et à guérir. Crois-moi cette guérison en vaut grandement la peine. Fais-toi confiance, mais fais aussi confiance aux gens qui t’entourent ainsi qu’aux professionnels, ils savent ce qu’ils font. Cette maladie est une grande épreuve, mais n’est pas un échec. Tu sortiras plus forte de cette épreuve. Courage, je sais que tu es capable!

V. M.

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