Témoignage #1: 30 livres plus lourde, un petit plis ici et là et une vie regagnée

|| En l’honneur de la semaine nationale de sensibilisation aux troubles du comportement alimentaire se déroulant du 1er au 7 février, je vous partage à chaque jour le témoignage d’une personne ayant souffert auparavant ou qui souffre présentement d’un trouble alimentaire. En espérant que ces messages plein d’émotions et qui viennent du coeur vous aideront à décomplexifier cette maladie mal comprise, à mettre des mots sur une souffrance que peut-être vous éprouvez vous-même et à donner espoir comme quoi que la guérison est possible et ô combien apaisante. Bonne lecture ♥ ||

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Ça a commencé avec un cours de yoga chaud. Des poignées d’amour que j’avais et que toutes ces filles n’avaient pas. Une scoliose qui déformait mon dos. Je voulais être comme elles. Je voulais être en santé, être en forme.

Mais les bonnes intentions ont rapidement mal tournées. Je n’étais jamais assez. Je ne m’entraînais jamais assez.

Noël est arrivé et j’étais si maigre et faible que je dormais toujours. Je mettais un sac magique rempli de grains de riz sèches au four à micro-ondes pour me réchauffer. J’étais irritable, vide de l’intérieur. Je ne pensais qu’à mon prochain entraînement et à compter des macros ou des calories.

Ce n’est pas juste du poids que j’ai perdu à ce moment-là, ce sont aussi mes règles, mes cheveux, ma joie de vivre, les soirées cinéma avec mon frère, les soirées sushis avec ma mère. Mon espace mental, ma concentration. Le plaisir de faire du sport pour l’endorphine.

Mon poids était en chute libre, mais ce n’était pas encore suffisant. Vivre avec l’anorexie c’est aller courir dans un hiver glacial un 26 décembre pour se « punir » du repas de Noël de la veille, sans l’avoir vraiment mangé de toute façon. C’est voir des étoiles à mi-chemin, avoir peur de s’évanouir, mais continuer de courir.

Cette année là, j’ai refusé d’aller passer un week-end dans un chalet avec mes meilleurs amis, car je ne savais pas ce qu’il y aurait à manger. Je ne pouvais pas le contrôler. J’ai aussi refusé un délicieux brownie dans un restaurant, alors que les dix autres personnes qui m’accompagnaient le décrivait comme le plus divin des desserts sur terre.

Un jour, j’ai réalisé, à l’aide de mon médecin de famille et d’une psychologue, que j’avais disparu. Il ne restait que mon corps. Mon âme et tout ce qui me rendait moi avait disparu. L’anorexie m’avait tout volé. À deux doigts de l’hospitalisation, j’ai décidé que j’allais me battre pour moi, contre moi. Ça n’a pas toujours été beau et facile de se battre contre sa tête trois à six fois par jour, chaque jour.

Je n’aurai jamais de souvenirs dans le spa du chalet avec mes amis. Je ne pourrai jamais revenir au restaurant avec eux et mordre dans ce brownie, dans ce moment précis. Je n’aurai pas non plus de souvenirs de ce lendemain de Noël chez ma grand-maman, parce que j’étais trop occupée à courir. Trois ans après mon TCA, je me bats encore, accompagnée d’endocrinologues, pour retrouver mes règles.

Je suis aujourd’hui 30 livres plus lourde. Je ne pourrais pas dire combien de calories de plus je mange, parce que j’en ai aucune idée. Mais je sais que dans ces 30 livres se cachent des gâteaux qui « titillent les papilles », comme dirait mon amie. Il y a aussi des cocktails du vendredi soir, des beignes à Londres, de la crème brûlée à Paris. Des cours de yoga chaud simplement pour le plaisir de bouger. Pour calmer mon anxiété. Des céréales à minuit et des crèmes glacées spontanées avec mon petit frère après une balade à vélo.

Je n’ai pas juste pris du poids, j’ai regagné ma vie. Je me suis retrouvée.

Ce serait mentir que de dire que chaque jour est rose bonbon. C’est difficile d’acheter des pantalons plus grands, de saisir un petit bourrelet et de se sentir bien avec ça.

Mais quand mon petit frère sera grand, il se rappellera que j’étais avec lui à la crémerie, pas la taille de mes jeans. Parce que si pour acheter des pantalons plus petits je dois m’effacer et devenir quelqu’un d’autre, quelqu’un que je ne suis pas, je préfère de loin avoir un petit plis ici et là.

Anonyme

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